La conservation du bâtiment Lelong : une aberration architecturale
Rien ne conduisait, a priori, à conserver le bâtiment « Lelong ».
Interrogée sur les raisons qui ont prévalu à une telle décision aux dépends d’une rénovation (démolition/reconstruction), la Ville de Paris répond que cet immeuble « témoigne de l’architecture des années 50 et méritait, à ce titre, d’être conservé » !
« L’utopie, c’est l’avenir qui s’efforce de naître. La routine, c’est le passé qui s’obstine à vivre » : Victor HUGO
Construit en 1950 et entièrement dédié à l’activité hospitalière, ce bâtiment en brique, ni « classé », ni « inscrit » ne présente aucune réelle valeur patrimoniale, à l’exception de celle que la Ville de Paris a voulu lui donner pour s’exonérer des contraintes du PLU local.
Photo : Bâtiment « Lelong » état d’origine
Son principal défaut est de ne présenter aucune caractéristique le prédisposant à une transformation en logements, a fortiori, en logements sociaux :
- Des ouvertures étroites : ex-trames des fenêtres de chambre d’hôpital : Exposé plein sud, en cœur d’îlot, véritable havre de paix comme Paris en offre rarement, face à la Fondation Cartier, son architecture «remarquable», selon la Ville de Paris, interdit toute modification de façade par création de larges fenêtres ou baies vitrées, encore moins l’adjonction de balcons, alors que les 3 ou 4 étages construits en surélévation en seront naturellement très largement pourvus.Les futurs résidents étouffant en plein été derrière des fenêtres étroites, sans extérieur, pourront cependant s’enorgueillir de perpétuer le témoignage de l’architecture des années 50 !
- Une isolation thermique moins performante et réductrice de surface habitable : Pour les mêmes raisons de conservation de l’aspect extérieur de l’immeuble, l’isolation thermique, quasi inexistante en 1950, devra se faire par l’intérieur, bien moins efficace qu’une isolation extérieure, sur 150 à 200mm d’épaisseur et réduira d’autant la surface de plancher disponible.
- Des performances d’isolation phonique très difficiles à améliorer : L’isolation phonique extérieure ne pose pas problème en regard de la situation exceptionnelle de ce bâtiment éloigné de toute voie de circulation. En revanche, l’isolation entre les niveaux, conçue pour un usage fonctionnel, s’avèrera techniquement très difficile à améliorer de façon significative et demeurera, par conséquent, médiocre et source de nuisances.
- Des hauteurs sous plafond inadaptées au logement : Comprise entre 4 mètres et 4,5 mètres, la hauteur sous plafond ne permet pas la création de planchers intermédiaires. Les 6 600 m2 de plancher répartis sur 4 niveaux donneront lieu à la création de faux plafonds, à 3,4 mètres environ, c’est-à-dire surélevés de 0,5 à 0,7 m selon les niveaux par rapport à la hauteur d’usage (2,5 à 2,7m) auquel s’ajoutera un intervalle pouvant atteindre 1,1m entre le vrai et le faux plafond. Rapportés à la hauteur respective de chaque niveau, ce sont donc environ 3 600 m3 de « combles » totalement inutiles qui s’ajouteront à des hauteurs sous plafond anormalement élevées.A l’heure du réchauffement climatique, ce gâchis énergétique, pérennisé, incompréhensible, n’a cependant pas empêché la Mairie du 14em arr. de solliciter le label « éco-quartier » pour ce projet ! En dehors de toutes considérations écologiques, faut-il rappeler qu’une conception de logements bien comprise, en particulier pour les logements sociaux, passe par une optimisation du loyer, donc des surfaces, mais également des charges.La rénovation (démolition reconstruction) aurait bien entendu évité cet écueil grâce à des hauteurs sous plafond de 2,60m environ, soit un gain de 5 mètres environ sur la hauteur totale du bâtiment (26 mètres au lieu de 31), ou bien d’une hauteur de bâtiment équivalente mais offrant la possibilité de réaliser 2 niveaux, soit plus de 2000 m2 de plancher, suffisants pour ajouter 25 à 30 logements supplémentaires dans le même volume.
- Un « geste » architectural très discutable : Les 4 niveaux réalisés en surélévation offrent, quant à eux, toutes les caractéristiques de logements modernes, apparemment bien conçus et disposant chacun d’ouvertures et de dépendances, balcons et terrasses. Mais l’ensemble immobilier ainsi composé de volumes anciens et nouveaux conduit à une architecture « patchwork », sans cohérence, assemblage improbable affichant clairement la dichotomie entre les « chanceux » des étages supérieurs et les autres, outre que ce montage scabreux achève de crucifier à tout jamais ce qui reste du « témoignage de l’architecture des années 50 »
Photo : Bâtiment « Lelong » état futur
Est-ce ainsi que l’on construit le Paris de demain ?
Sous l’angle purement urbanistique et architectural, l’immeuble « Lelong » était voué à la démolition pour laisser place à une construction moderne profitant pleinement d’une implantation et d’une
exposition exceptionnelle, ou bien destiné à accueillir des activités tertiaires (ateliers d’artistes, pépinières d’entreprises, extension de la Fondation Cartier…), ce qui n’excluait pas une surélévation en logements.
L’immeuble reconstruit, à surface de plancher égale, mesurerait 5 mètres de moins, pour la plus grande satisfaction des riverains et sans remise en cause de l’économie du projet.
La réalisation en l’état condamne donc les futurs résidents de la partie ancienne à une double peine : demeurés cloisonnés derrière des fenêtres étroites, sans extérieurs, avec des charges de chauffage anormalement élevées et privés d’espaces verts au sein d’un ensemble immobilier qui en fait, par ailleurs, cruellement défaut.