Le Figaro : enlaidissement par des containers de collecte de proximité

Le début de l’été 2020 nous aura encore révélé une surprise : dans la torpeur du mois de juillet, la ville de Paris a subrepticement installé 4 gros conteneurs de déchets rue Boissonade, et un conteneur de verres devant la Fondation Cartier, qui voit passer des dizaines de milliers de visiteurs chaque année. Tout cela n’est que la phase apparente d’une gigantesque opération, baptisée « Trilib », qui prévoit d’installer 1000 déchèteries dans Paris à la fin de cette mandature.
Pourquoi en installer justement ici, à proximité du site de Saint Vincent de Paul, objet de notre combat depuis 7 ans ? Ce serait avoir mauvais esprit que de lier ces 2 opérations.
Christine Clerc a pris la plume pour vous raconter cette histoire en détail.

FIGAROVOX/TRIBUNE 19 août 2020 – Les rues de la capitale vont encore enlaidir: la municipalité parisienne prévoit d’installer dans toute la ville des «containers de collecte de proximité» de 2 mètres cubes, explique la journaliste Christine Clerc.

Ça s’est fait en douce, entre élection municipale et crise du coronavirus. Profitant de l’exil de milliers de Parisiens vers des lieux de séjour plus respirables, la maire du 14e, Carine Petit, une socialiste écolo, a fait installer à deux pas de la prestigieuse Fondation Cartier quatre poubelles géantes de 2 mètres cubes couvrant deux emplacements de parking, en face d’appartements en rez-de-chaussée. C’est le premier geste spectaculaire d’une opération lancée discrètement il y a dix-huit mois par Anne Hidalgo: la mise en place, en pleines rues, de mille et une poubelles géantes.
Certes, ces «containers de collecte de proximité», destinés à essaimer à travers la capitale, ne devraient accueillir que les cartons alimentaires et les bouteilles. Dans le monde rêvé des écologistes de gauche, d’ailleurs, tous les citoyens devraient subir une rééducation avant que les poubelles Hidalgo soient disponibles au coin de chez eux. Personne ne jettera plus de bouteilles la nuit au risque de réveiller les voisins. Chacune et chacun s’appliqueront, avec une hygiène méticuleuse, à faire disparaître de leurs emballages toute trace de pizza ou d’autres aliments, puis à les désinfecter avant de les découper – cela afin d’éviter les déchets épars qui attirent les rats.

Hélas, les habitants du 14e ont appris à se méfier des projets prétendument écolos d’Anne Hidalgo et de ses alliés Verts. En face de ces poubelles objets de scandale, la Mairie de Paris n’a-t-elle pas prévu d’entasser, à l’emplacement de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 600 logements? Forcément, ce futur ensemble est présenté comme un modèle d’«écologie». Même si, dans cet arrondissement dense de la capitale déjà la plus dense d’Europe (Paris n’offre que 5,8 m2 de verdure à chacun de ses habitants, comparés aux 45 m2 des Londoniens et aux 321 m2 des Romains!), il ne disposera d’aucun parc. Mais quoi! Il suffit de savoir présenter la chose. C’est une question de couleurs: sur les plans, les rues sont peintes en vert, les carrefours aussi, où pousseront quelques mauvaises herbes.

C’est surtout une question de vocabulaire. Et là, l’entreprise chargée d’installer les nouvelles «stations Trilib’» atteint des sommets! On croit lire un plagiat de Molière quand on lit sa prose: «C’est une réflexion sur le compromis à trouver en ville dense entre volume utile, ergonomie d’usage et acceptabilité par les riverains directs.»

De quoi s’agit-il, en réalité? Plutôt que de faire ramasser plus fréquemment les poubelles jaunes, comme le demandent les Parisiens, la maire de Paris a jugé le moment opportun pour réaliser enfin son grand projet: permettre aux habitants d’aller jeter leurs cartons et bouteilles au bout de leur rue, ce qui leur fera faire un peu de marche à pied, excellente pour la santé. Malgré leur art d’envelopper les choses, les concepteurs du projet sont tout de même conscients que cela risque de provoquer chez les riverains un mouvement «Never In My Backyard» (Nimby, «Jamais dans ma cour!»). Avant d’en arriver à la «verbalisation des infractions»,ils ont donc prévu une campagne de «sensibilisation», car «le recours à des bacs de grande capacité permettra d’optimiser les coûts»…
On s’en doutait: il ne s’agit pas d’écologie, mais d’économies. Aux dépens de la propreté des rues.Et de la santé des habitants.

«J’ai rencontré ce type de déchetteries dans quelques capitales d’Amérique du Sud, s’indigne Nicolas Gusdorf, président de l’Association du quartier Saint-Vincent-de-Paul. Jamais je n’aurais imaginé les voir à Paris! Nous ne voulons pas de pollution supplémentaire, nous voulons des espaces verts!»
L’étonnant, c’est que les élus de droite n’aient rien vu venir. Pas un mot, dans leurs discours de campagne municipale, sur le projet mirifique de Mme Hidalgo! Or, quelques poubelles Trilib’ ont déjà été expérimentées dans les 2e et 19e arrondissements. Des centaines d’autres devraient être mises en place d’est en ouest. Pourtant, Marie-Claire Carrère- Gée, élue LR du 14e et présidente de la commission des finances de la Mairie de Paris, l’affirme: «Nous n’avions jamais entendu parler de ce projet! » Seule Delphine Bürkli, maire du 9e, dit avoir été consultée il y a deux ans. Elle a alors accepté, à titre expérimental, une poubelle géante. «À la condition qu’il n’y en ait qu’une, et qu’elle soit placée à l’écart de toute habitation, en face d’un immeuble de bureaux.» L’ex-candidate LR à la mairie de Paris Rachida Dati, maire du 7e, se souvient seulement, quant à elle, d’avoir «vaguement entendu parler de ce projet il y a quelques années». Elle déplore que sa proposition de «poubelles compactantes» – une nouvelle technologie, testée à San Francisco – ait été écartée. «Les Verts, soupire-t-elle, préfèrent les rats!» Le maire du 6e, Jean-Pierre Lecoq, a réussi, lui aussi, à empêcher jusque-là l’installation des super-poubelles Hidalgo dans son arrondissement. Mais il se montre défaitiste: «On ne pourra pas les refuser indéfiniment!» Conclusion: «Nous n’avons pas été capables de faire une alliance contre Hidalgo. Maintenant, nous allons payer!» Ou plutôt: les Parisiens vont payer.